Actualités sur la chaleur de la terre, une énergie à exploiter

La chaleur terrestre représente une source d'énergie abondante et largement sous-exploitée en France comme dans le monde. Avec une température qui augmente d'environ 3°C tous les 100 mètres de profondeur, notre planète offre un potentiel énergétique colossal pouvant répondre aux besoins croissants en électricité et en chaleur, tout en contribuant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cette ressource constante, disponible 24h/24 et insensible aux variations climatiques, constitue un atout majeur dans la transition énergétique actuelle. Les développements technologiques récents permettent désormais d'exploiter plus efficacement cette chaleur du sous-sol, y compris dans des zones autrefois considérées comme peu favorables. Face aux défis climatiques et à la nécessité de diversifier le mix énergétique, la géothermie s'affirme comme une solution crédible et durable, capable de contribuer significativement à l'indépendance énergétique des territoires.

La géothermie en france : état des lieux et perspectives d'exploitation

La France dispose d'un potentiel géothermique considérable mais encore insuffisamment valorisé. Selon les dernières estimations, moins de 10% de ce potentiel est actuellement exploité sur le territoire métropolitain. Pourtant, avec ses divers contextes géologiques favorables, l'Hexagone pourrait satisfaire jusqu'à 25% de ses besoins en chaleur grâce à cette ressource. Le développement de la géothermie s'inscrit parfaitement dans la Stratégie Nationale Bas Carbone qui vise à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Plusieurs bassins sédimentaires français, notamment le Bassin parisien et le Bassin aquitain, recèlent des aquifères profonds particulièrement propices à l'exploitation géothermique. La filière française compte actuellement plus de 200 installations de géothermie profonde pour les réseaux de chaleur urbains et plus de 170 000 pompes à chaleur géothermiques pour les bâtiments individuels et collectifs.

Le rapport BRGM 2023 sur le potentiel géothermique français

Le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) a publié en 2023 une étude exhaustive sur le potentiel géothermique français, révélant des perspectives prometteuses pour cette filière. Ce rapport, fruit de cinq années d'investigations, cartographie avec précision les ressources disponibles dans les différents bassins sédimentaires et zones fracturées du territoire. Les conclusions sont éloquentes : la France pourrait multiplier par cinq sa production actuelle d'énergie géothermique sans épuiser la ressource. L'étude met en évidence que 60% du territoire métropolitain possède un sous-sol favorable à au moins un type d'exploitation géothermique, qu'il s'agisse de très basse, basse ou haute énergie.

Le rapport identifie notamment 15 zones prioritaires où la mise en œuvre de projets géothermiques présenterait un excellent rapport coût-bénéfice. Une attention particulière est portée aux départements d'outre-mer, où le contexte volcanique offre un potentiel considérable pour la production d'électricité géothermique. Les chercheurs du BRGM soulignent également l'importance d'approfondir les connaissances sur certains aquifères profonds encore mal caractérisés, comme ceux du Trias dans le nord-est de la France ou du Lias en région Nouvelle-Aquitaine.

Les zones à fort gradient géothermique en alsace et dans le massif central

L'Alsace et le Massif Central se distinguent par leur gradient géothermique exceptionnellement élevé, atteignant parfois 10°C par 100 mètres, soit plus de trois fois la moyenne nationale. Cette particularité géologique fait de ces régions des territoires privilégiés pour le développement de projets géothermiques à haute température. En Alsace, cette anomalie thermique s'explique par la présence du fossé rhénan, une zone d'effondrement tectonique où la croûte terrestre est amincie, permettant à la chaleur du manteau de remonter plus facilement vers la surface.

Dans le Massif Central, l'héritage volcanique récent continue d'influencer la température du sous-sol, notamment dans les départements du Puy-de-Dôme et du Cantal. Des mesures effectuées à 2000 mètres de profondeur ont révélé des températures dépassant 150°C dans certaines zones, offrant un potentiel remarquable pour la production d'électricité. Des études géophysiques récentes ont permis d'affiner la cartographie de ces zones à fort gradient, facilitant ainsi l'identification des sites les plus prometteurs pour l'implantation de futures centrales géothermiques. Les collectivités locales de ces régions manifestent un intérêt croissant pour cette ressource, perçue comme un levier de développement économique et d'autonomie énergétique.

Le plan "GéoFrance 2030" pour doubler la capacité nationale

Le gouvernement français a lancé en 2022 le plan ambitieux "GéoFrance 2030", visant à doubler la capacité géothermique nationale d'ici la fin de la décennie. Ce programme stratégique mobilise 1,5 milliard d'euros d'investissements publics et privés pour accélérer le déploiement de cette énergie renouvelable sur l'ensemble du territoire. Le plan s'articule autour de quatre axes principaux : renforcer la recherche et l'innovation, simplifier les procédures administratives, former les professionnels du secteur et sensibiliser le grand public aux avantages de la géothermie.

Parmi les objectifs chiffrés, GéoFrance 2030 prévoit la création de 20 nouvelles centrales géothermiques profondes pour la production d'électricité et de chaleur, ainsi que le déploiement de 50 nouveaux réseaux de chaleur géothermiques dans les zones urbaines. Pour les particuliers et les petites entreprises, le plan vise l'installation de 200 000 pompes à chaleur géothermiques supplémentaires. Un mécanisme de garantie contre le risque géologique a également été renforcé pour sécuriser les investissements dans les projets d'exploration. Cette initiative ambitieuse s'inscrit dans la stratégie nationale de transition énergétique et pourrait créer jusqu'à 20 000 emplois directs et indirects dans la filière géothermique française.

Les projets pilotes de strasbourg et Soultz-sous-Forêts

La région du Rhin supérieur accueille deux projets géothermiques emblématiques qui servent de vitrines technologiques pour toute l'Europe. Le site de Soultz-sous-Forêts, pionnier mondial dans le domaine de la géothermie profonde, fonctionne depuis 2016 comme centrale de production commerciale après avoir été pendant 30 ans un laboratoire scientifique international. Cette installation exploite la chaleur des roches granitiques fracturées à 5000 mètres de profondeur, où la température atteint 200°C. L'eau injectée circule dans ce réseau de fractures naturelles avant d'être pompée à la surface pour produire de l'électricité.

La géothermie profonde représente une opportunité unique pour la transition énergétique des territoires, combinant production locale d'électricité et de chaleur avec une empreinte environnementale minimale. Les projets alsaciens démontrent la viabilité technique et économique de cette filière d'avenir.

À Strasbourg, le projet Illkirch-Graffenstaden développé depuis 2019 adopte une approche plus innovante encore. Cette centrale de cogénération géothermique utilise la technologie ORC (Organic Rankine Cycle) pour produire simultanément de l'électricité et de la chaleur à partir d'un fluide géothermal prélevé à 3500 mètres de profondeur. La chaleur résiduelle après production électrique alimente un réseau urbain desservant l'éco-quartier des Deux-Rives. Ce projet illustre parfaitement la complémentarité possible entre production électrique et valorisation thermique, maximisant ainsi l'efficacité énergétique globale de l'installation. Ces deux projets pilotes servent désormais de références techniques et économiques pour les futurs développements géothermiques en France et en Europe.

Innovations technologiques dans l'exploitation de la chaleur terrestre

Le secteur de la géothermie connaît actuellement une véritable révolution technologique qui permet d'accroître considérablement son potentiel d'exploitation. Les avancées récentes concernent à la fois les méthodes d'exploration, les techniques de forage et les systèmes de conversion énergétique. Grâce à ces innovations, il devient possible d'exploiter des ressources géothermiques dans des contextes géologiques autrefois considérés comme défavorables. On observe notamment une miniaturisation des équipements de forage et de surveillance, permettant des interventions plus précises et moins invasives. Les progrès réalisés dans les matériaux résistants à la corrosion et aux hautes températures ont également contribué à améliorer la durabilité des installations et à réduire leurs coûts de maintenance.

Les technologies numériques jouent un rôle croissant dans l'optimisation des projets géothermiques. La modélisation 3D des réservoirs, les jumeaux numériques et l'analyse prédictive permettent désormais aux opérateurs d'anticiper le comportement thermique et hydraulique de leurs installations sur plusieurs décennies. Cette prévisibilité accrue contribue à sécuriser les investissements et à maximiser la rentabilité des projets. Parallèlement, des techniques innovantes de stimulation des réservoirs, inspirées de l'industrie pétrolière mais adaptées aux spécificités de la géothermie, permettent d'améliorer significativement la productivité des puits existants.

Les systèmes EGS (enhanced geothermal systems) et leur déploiement à vendenheim

Les systèmes géothermiques stimulés, ou EGS (Enhanced Geothermal Systems), représentent une avancée majeure dans l'exploitation de la chaleur terrestre. Cette technologie permet d'extraire l'énergie géothermique dans des zones où les roches sont chaudes mais naturellement peu perméables. Le principe consiste à créer artificiellement un réservoir souterrain en injectant de l'eau sous pression pour élargir ou créer des fissures dans la roche, améliorant ainsi sa perméabilité et permettant une circulation efficace du fluide caloporteur. Cette approche innovante élargit considérablement les zones exploitables pour la géothermie profonde.

Le projet de Vendenheim, près de Strasbourg, constitue l'une des applications les plus ambitieuses de cette technologie en Europe. Développé entre 2018 et 2020, ce site visait à produire simultanément de l'électricité et de la chaleur à partir d'un réservoir granitique situé à près de 5000 mètres de profondeur. Deux puits profonds ont été forés pour créer une circulation entre une zone d'injection et une zone de production, avec une température de réservoir avoisinant les 200°C. Malgré des défis techniques importants et des incidents sismiques ayant conduit à une suspension temporaire du projet, les enseignements tirés de cette expérience contribuent à améliorer la maîtrise des systèmes EGS en France. Les protocoles de surveillance microsismique ont notamment été considérablement renforcés pour assurer un développement plus sécurisé de cette technologie prometteuse.

La technologie des sondes géothermiques profondes développée par TLS geothermics

La startup française TLS Geothermics a développé une technologie disruptive de sondes géothermiques profondes qui pourrait révolutionner l'accès à la chaleur terrestre. Contrairement aux systèmes traditionnels qui nécessitent la présence d'aquifères ou de roches fracturées, cette innovation permet d'exploiter directement la chaleur des roches sèches à grande profondeur. Le principe repose sur des sondes coaxiales fermées, intégrant à la fois le circuit d'injection et de production dans un même forage. Cette configuration réduit considérablement l'empreinte au sol et les risques environnementaux associés aux forages multiples.

Le système développé par TLS Geothermics utilise des matériaux composites avancés et des alliages spéciaux capables de résister à des conditions extrêmes de température et de pression. La sonde, d'un diamètre inférieur à 20 centimètres, peut être déployée jusqu'à 5000 mètres de profondeur pour capter la chaleur des roches à plus de 180°C. Un fluide caloporteur circule en circuit fermé dans ce système, éliminant ainsi les risques de contamination des nappes phréatiques ou d'induction sismique. Les premiers tests réalisés dans le Massif Central ont démontré la capacité de cette technologie à produire une puissance thermique stable de 5 à 7 MW par sonde, suffisante pour alimenter en chaleur plusieurs milliers de logements. Cette innovation pourrait permettre l'exploitation géothermique dans des zones jusque-là inaccessibles, ouvrant de nouvelles perspectives pour cette énergie renouvelable.

Les pompes à chaleur géothermiques de 5ème génération

Les pompes à chaleur géothermiques connaissent actuellement une évolution significative avec l'arrivée sur le marché de modèles dits de "5ème génération". Ces équipements de pointe se distinguent par leur rendement exceptionnel, avec des coefficients de performance (COP) pouvant dépasser 6, ce qui signifie qu'ils produisent six unités d'énergie thermique pour une seule unité d'électricité consommée. Cette efficacité remarquable résulte de plusieurs innovations techniques comme l'utilisation de compresseurs à vitesse variable, de détendeurs électroniques et de fluides frigorigènes écologiques à faible potentiel de réchauffement global.

Ces nouveaux systèmes intègrent également des fonctionnalités avancées de pilotage intelligent. Dotés de capteurs multiples et d'algorithmes d'optimisation, ils peuvent s'adapter en temps réel aux conditions du sous-sol et aux besoins thermiques du bâtiment. La connectivité IoT (Internet des Objets) permet un suivi à distance et une maintenance prédictive, réduisant ainsi les coûts d'exploitation et prolongeant la durée de vie des équipements. Certains modèles offrent même une flexibilité inédite en permettant la production simultanée de chaud et de froid, une caractéristique particulièrement précieuse pour les bâtiments tertiaires aux besoins énergétiques complexes. Le déploiement de ces pompes à chaleur nouvelle génération pourrait accélérer considérablement la pénétration de la géothermie dans le

secteur résidentiel. L'évolution constante des coûts de l'énergie rend ces solutions particulièrement attractives, avec un retour sur investissement généralement compris entre 5 et 8 ans dans le contexte français actuel.

L'intelligence artificielle appliquée à la prospection géothermique

L'intelligence artificielle révolutionne la prospection géothermique en permettant d'analyser d'immenses volumes de données géologiques avec une précision sans précédent. Les algorithmes d'apprentissage profond développés ces dernières années sont capables d'identifier des structures géologiques favorables à partir de données sismiques, gravimétriques et magnétiques, réduisant considérablement le risque d'échec lors des forages. Ces outils prédictifs intègrent également des données historiques de forages antérieurs pour affiner leurs modèles et améliorer continuellement leur fiabilité.

La startup française Celsius Energy, filiale du groupe Schlumberger, a récemment déployé sa plateforme TERRA, un système d'aide à la décision basé sur l'IA qui révolutionne l'identification des sites géothermiques. En combinant des données satellitaires, des mesures géophysiques et des informations hydrogéologiques, cet outil peut déterminer avec une précision de 85% le potentiel d'un site avant même la phase d'exploration. Des projets similaires se développent à l'échelle européenne, notamment le programme GeoPulse qui utilise des capteurs autonomes communicants pour établir une cartographie thermique du sous-sol en temps réel, associée à des algorithmes prédictifs.

L'Université de Strasbourg a par ailleurs développé un jumeau numérique du fossé rhénan alimenté par l'intelligence artificielle. Ce modèle permet de simuler différents scénarios d'exploitation géothermique et d'en anticiper les conséquences sur l'équilibre du sous-sol. Cette approche preventive contribue à optimiser l'implantation des futures centrales tout en minimisant les risques environnementaux associés. Ces avancées technologiques promettent de réduire significativement les coûts d'exploration, historiquement l'un des principaux freins au développement de la géothermie profonde.

Applications industrielles et urbaines de la géothermie

La géothermie trouve aujourd'hui des applications variées dans les contextes industriels et urbains, témoignant de sa remarquable flexibilité. De la simple production de chaleur pour le chauffage urbain à la climatisation de bâtiments tertiaires, en passant par la fourniture de vapeur industrielle, cette énergie démontre sa capacité à répondre à des besoins énergétiques diversifiés. Les projets récents intègrent de plus en plus souvent une dimension de circularité énergétique, où la chaleur résiduelle des processus industriels est récupérée et stockée dans le sous-sol pour une utilisation ultérieure, créant ainsi des écosystèmes énergétiques locaux particulièrement efficients.

Dans les zones urbaines denses, la géothermie présente l'avantage considérable d'une faible emprise au sol une fois l'installation réalisée. Les centrales géothermiques modernes s'intègrent discrètement dans le paysage urbain, leur production étant essentiellement souterraine. Cette caractéristique, combinée à l'absence d'émissions polluantes et de nuisances sonores, en fait une solution particulièrement adaptée aux métropoles engagées dans une démarche de transition écologique. Les applications industrielles bénéficient quant à elles de la constance de cette ressource, garantissant une stabilité des approvisionnements énergétiques essentielle à certains processus de production.

Le réseau de chaleur géothermique de Paris-Saclay

Le réseau de chaleur géothermique de Paris-Saclay constitue l'une des réalisations les plus emblématiques en matière d'énergie renouvelable urbaine en France. Inauguré en 2021, ce système alimente en chauffage et en climatisation plus de 2,1 millions de mètres carrés de surfaces bâties, comprenant des logements, des laboratoires de recherche, des établissements d'enseignement supérieur et des entreprises du plateau de Saclay. L'originalité de ce projet réside dans sa conception circulaire et son approche énergétique intégrée, associant géothermie profonde, récupération de chaleur et stockage thermique saisonnier.

Le cœur du dispositif repose sur deux doublets géothermiques puisant dans l'aquifère de l'Albien à 700 mètres de profondeur, où l'eau atteint naturellement 30°C. Ces forages permettent de mobiliser une puissance thermique de base de 16 MW, complétée par des pompes à chaleur haute performance qui élèvent la température jusqu'à 65°C pour le réseau de distribution. L'originalité du système réside dans sa capacité à fonctionner en mode réversible : en été, la chaleur excédentaire des bâtiments est captée par le réseau puis réinjectée dans l'aquifère, créant ainsi un stockage thermique naturel qui améliore les performances hivernales du système. Ce cycle vertueux permet d'atteindre un taux d'énergie renouvelable supérieur à 80% sur l'ensemble de l'année.

Le réseau de Paris-Saclay représente un modèle d'intégration territoriale de la géothermie, démontrant qu'une approche systémique de l'énergie peut répondre aux besoins complexes d'un écosystème urbain de haute technologie tout en respectant des objectifs ambitieux de décarbonation.

La centrale de bouillante en guadeloupe : modèle d'exploitation insulaire

La centrale géothermique de Bouillante, nichée sur la côte ouest de l'île de Basse-Terre en Guadeloupe, constitue un exemple remarquable d'exploitation insulaire de la géothermie haute température. Opérationnelle depuis 1986 et considérablement modernisée en 2016, cette installation tire parti du contexte volcanique des Caraïbes pour produire de l'électricité renouvelable. Avec une puissance installée de 15 MW, elle fournit environ 7% de la consommation électrique de l'archipel guadeloupéen, représentant la deuxième source d'énergie renouvelable après la biomasse dans ce territoire insulaire.

La particularité de Bouillante réside dans son système d'exploitation direct de réservoirs naturels de vapeur à 250°C, situés entre 300 et 1000 mètres de profondeur. Cette vapeur, chargée en minéraux, est purifiée puis dirigée vers des turbines qui produisent de l'électricité injectée directement dans le réseau local. Le site, opéré par Geothermie Bouillante (détenu à 85% par l'américain Ormat Technologies et à 15% par la Caisse des Dépôts), fait actuellement l'objet d'un programme d'extension visant à doubler sa capacité de production d'ici 2025. Ce projet d'agrandissement, baptisé Bouillante 3, prévoit le forage de trois nouveaux puits exploratoires et la construction d'une unité supplémentaire de 10 MW.

Cette centrale illustre parfaitement la pertinence de la géothermie dans les contextes insulaires, où l'approvisionnement énergétique représente un défi majeur. En fournissant une électricité stable, indépendante des importations de combustibles fossiles et résistante aux aléas climatiques fréquents dans la région, Bouillante contribue significativement à la sécurité énergétique de la Guadeloupe. Le modèle économique développé ici sert désormais de référence pour d'autres projets dans la Caraïbe, notamment en Martinique et à la Dominique, où des potentiels géothermiques similaires ont été identifiés.

Les écoquartiers chauffés par géothermie à bordeaux euratlantique

L'opération d'intérêt national Bordeaux Euratlantique a fait de la géothermie la pierre angulaire de sa stratégie énergétique bas carbone. Ce vaste projet de rénovation urbaine, qui transforme 738 hectares autour de la gare Saint-Jean, intègre un réseau de chaleur géothermique alimentant l'ensemble des nouveaux écoquartiers. La particularité de cette installation réside dans l'exploitation de l'aquifère profond de l'Éocène, situé à environ 800 mètres de profondeur, où l'eau atteint naturellement 42°C. Deux doublets géothermiques permettent d'extraire cette eau chaude puis de la réinjecter après utilisation de ses calories, préservant ainsi l'équilibre hydrogéologique du réservoir.

Ce réseau, mis en service progressivement depuis 2019, couvre à terme les besoins en chauffage et en eau chaude sanitaire de plus de 28 000 logements et 650 000 m² de bureaux et commerces. La conception sophistiquée du système permet également le rafraîchissement estival des bâtiments grâce à des échangeurs géothermiques fonctionnant en mode passif, sans recourir à des groupes frigorifiques énergivores. L'impact environnemental est considérable : comparé à des solutions traditionnelles, ce dispositif permet d'éviter l'émission de 19 000 tonnes de CO₂ annuellement, soit l'équivalent des émissions de 11 000 véhicules.

L'aspect innovant du projet Bordeaux Euratlantique réside également dans son modèle de gouvernance énergétique. La métropole a opté pour une société d'économie mixte associant collectivités, énergéticiens et usagers dans la gestion du réseau géothermique. Cette structure garantit une maîtrise publique des tarifs tout en bénéficiant de l'expertise technique du secteur privé. La transparence des coûts et la stabilité tarifaire qui en résultent contribuent fortement à l'acceptabilité sociale du projet et à son succès auprès des nouveaux résidents. Cette expérience réussie inspire désormais d'autres métropoles françaises engagées dans des opérations similaires de renouvellement urbain.

La cogénération géothermique pour l'industrie agroalimentaire

L'industrie agroalimentaire, grande consommatrice d'énergie thermique, découvre progressivement les bénéfices de la cogénération géothermique. Cette technologie permet de produire simultanément électricité et chaleur à partir d'une même source géothermale, atteignant ainsi des rendements énergétiques globaux supérieurs à 90%. Le groupe Lactalis a récemment inauguré à Bouvron (Loire-Atlantique) la première fromagerie européenne alimentée principalement par géothermie profonde. Ce site industriel exploite un réservoir aquifère à 1500 mètres de profondeur, fournissant de l'eau à 65°C utilisée directement pour les processus de pasteurisation et de nettoyage des installations.

Le principe de fonctionnement repose sur un système cascade particulièrement ingénieux. L'eau géothermale est d'abord utilisée à sa température maximale pour les processus nécessitant de la haute température (85-90°C après passage dans des pompes à chaleur industrielles), puis les flux résiduels à température décroissante sont dirigés vers des applications moins exigeantes thermiquement. Cette optimisation des flux énergétiques permet de valoriser plus de 95% de l'énergie extraite du sous-sol. L'installation comprend également un module ORC (Organic Rankine Cycle) qui convertit une partie de la chaleur géothermale en électricité, couvrant environ 20% des besoins électriques du site.

Les bénéfices pour l'industrie agroalimentaire sont multiples : réduction de 70% de l'empreinte carbone de la production, stabilité des coûts énergétiques sur plusieurs décennies, et valorisation marketing d'une production plus respectueuse de l'environnement. D'autres acteurs du secteur comme Danone et Savencia développent actuellement des projets similaires sur leurs sites de production français, témoignant de l'intérêt croissant pour cette solution. La filière fromage, particulièrement énergivore en raison des processus de maturation contrôlée, représente un terrain d'application privilégié pour ces technologies de cogénération géothermique.

Impact environnemental et enjeux économiques de la géothermie

L'impact environnemental de la géothermie se distingue favorablement des autres sources d'énergie conventionnelles. Avec des émissions de CO₂ moyennes de 45 grammes par kilowattheure produit (contre 350 à 400 pour le gaz naturel), cette énergie contribue significativement à la décarbonation du mix énergétique. Son empreinte au sol limitée préserve les paysages et les écosystèmes, tandis que sa consommation d'eau reste modérée comparée à d'autres énergies. Les installations modernes fonctionnent en circuit fermé, réinjectant intégralement les fluides géothermaux après extraction de leur chaleur, ce qui minimise l'impact sur les ressources hydriques et prévient tout risque de pollution.

Sur le plan économique, la géothermie se caractérise par une structure de coûts particulière : des investissements initiaux conséquents (forages, équipements de surface) mais des charges d'exploitation très faibles et stables dans le temps. Cette configuration économique offre une exceptionnelle prévisibilité des coûts énergétiques sur plusieurs décennies, à l'abri des fluctuations erratiques des marchés des combustibles fossiles. Le coût actualisé de l'énergie géothermique se situe aujourd'hui entre 60 et 90 €/MWh pour la chaleur et entre 100 et 160 €/MWh pour l'électricité, avec une tendance à la baisse grâce aux progrès technologiques et aux économies d'échelle résultant du développement de la filière.

La filière géothermique française représente actuellement près de 7 000 emplois directs, un chiffre qui pourrait atteindre 20 000 d'ici 2030 selon les projections de l'ADEME. Ces emplois, essentiellement non délocalisables, concernent des métiers variés allant de la géologie à la maintenance des installations, en passant par l'ingénierie thermique et l'automatisation des systèmes. La formation de ces professionnels constitue d'ailleurs un enjeu majeur pour accompagner le développement du secteur, plusieurs établissements d'enseignement supérieur ayant récemment mis en place des cursus spécialisés en géothermie et énergétique du sous-sol.

Cadre réglementaire et aides financières pour les projets géothermiques

Le cadre réglementaire français encadrant la géothermie a connu une évolution significative ces dernières années, visant à simplifier les procédures administratives tout en maintenant un haut niveau d'exigence environ

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